Toujours plus d'histoire de dentelle

L'évolution de la dentelle

Depuis plusieurs siècles donc, la dentelle tient une place importante dans les annales de l'industrie en Italie, en France et surtout en Flandre. Ce fut dans ce dernier pays que commença sa fabrication ;

Gênes et Venise suivirent cet exemple longtemps après ; enfin la France n'adopta cette industrie que dans le dix-septième siècle.

Cependant l'apparation des premières dentelles en France date du seizième siècle. Sous le règne de François Ier, les dignitaires de l'église et les femmes ornaient leur costume d'une sorte de dentelle de fil de lin blanc, à larges mailles, d'un travail plus solide que gracieux ; l'art en était alors à ses premiers essais.

Les bourgeoises, et plus tard les paysannes, portèrent des dentelles communes désignées, en raison même de leur prix, sous le nom de bisette ou de gueuse

Plus tard la soie, l'or et l'argent enrichirent la dentelle. Les fortunes bourgeoises ne pouvaient atteindre au prix élevé de cette dentelle.

Les premiers dessins de dentelle imitaient les ornements et les formes de l'architectute de la Renaissance.

Le luxe, banni longtemps de la cour par les événements politiques et par l'austérité de Sully, retrouva ainsi tout son éclat, et Richelieu, sans favoriser ouvertement le luxe, lui laissait un libre cours. Les prodigalités de la noblesse, en hâtant sa ruine, servaient les projets du ministre qui, voulant l'abattre, semblait prendre plaisir à laisser sa victime se parer avant le sacrifice ;

ainsi la dentelle dut à sa nouveauté, à son élégance, et à son prix élevé, la faveur des hautes classes.

 

Magasin de dentelles de la Galerie du Palais

Louis XIII, d'un rigorisme religieux, qui contrastait avec l'allure joviale d'Henri IV, fut plus sévère encore, cette invasion du luxe, et les prodigalités de la noblesse, éveillèrent la solicitude des parlements, ils firent paraître en 1629 un édit célèbre : Règlement sur les superfluités des habits, connu sous le nom de Code Michaud.

Cet édit limitait la dépense de la table et des vêtements : l'article 133 proscrivait la dentelle.

        "Défendons toute broderie de toile et fil, imitation de broderie, rebordement de filets en toiles et découpures de rabats, collets, manchettes, sur quintins et autres linges, et tous points coupez, dentelles et passements et autres ouvrages de fil, au fuseau, pour homme et pour femme, en quelques sorte et manière que ce puisse être."

Cet édit avait pour but de mettre un terme à des prodigalités qui rendaient la France tributaire, pour des sommes énormes, des fabriques de la Flandre et de l'Italie ; aussi seize ans plus tard, Colbert encourageait ouvertement, en France, la fabrication de dentelle.

Il faut croire cependant que cette loi, un peu draconienne, ne fut pas appliquée avec grande rigueur, car on ne se gêna pas pour beaucoup plaisanter.

Plusieurs gravures d'Abraham Bosse sont des critiques joyeuses du fameux édit et les premières eurent certainement un grand succés, car il répéta plusieurs fois avec des variantes ce même sujet du Courtisan suivant le dernier édit qui retire ses cols, ses manchettes et toutes les élégantes parties de son costumes de cour, en les jetants et en se rhabillant de vêtements si simples, si peu garnis, qu'il a fort mauvaise tournure après cette transformation.

Puis c'est son valet de chambre en train de serrer les habits enrichis de passements et on lit au-dessous :

C'est avec regret que mon maître
Quitte ces beaux habillements
Semés de riches passemens
Qui le fesoient si bien paroistre.
Mais, d'un autre côté, je pense
Qu'étant avare comme il est,
Asseurément l'édit luy plaist,
Pour ce qu'il règle la dépense.
Je vais donc mettre dans le coffre
Tous ces vêtements superflus,
Et quoiqu'il ne les porte plus,
Je ne crains pas qu'il me les offre.

Enfin c'est la dame, suivant l'édit, qui fait sa toilette et met ses robes sans dentelles, mais ne peu s'en consoler :

Quoique j'aye assez de beauté
Pour asseurer sans vanité
Qu'il n'est point de femmes plus belle,
Il semble pourtant, à mes yeux,
Qu'avec de l'or et de la dentelle,
Je m'ajuste encore bien mieux.

Nous avons vu paraître la dentelle à la cour de Louis XIII, où elle était moins une parure qu'un signe de distinction. De plus beaux jours brillèrent pour elle avec le règne de Louis XIV. Sous Louis XV, sa faveur augmenta encore ; mais sous Louis XVI, dont les goûts simples cadraient mal avec les habitudes somptueuses, l'or et l'argent avaient presque disparu des vêtements  ; parés de toutes ses grâces, la reine Marie-Antoinette affectait la simplicité dans ses ajustements ; cependant la dentelle, plus élégante et plus légère, avait conservé sa faveur.

Devant un trône renversé, devant une longue et sanglante révolution, la dentelle se cacha comme proscrite.

Sous l'empire, les broderies d'or et d'argent reparurent, mais les dentelles furent reléguées au fond des corbeilles de noces.

Le catalogue officiel de l'Exposition de 1878 nous apprends que 200000 femmes travaillent la dentelle en France et 500000 en Europe.